De l’existence de données dans les services RH
Ce n’est plus une surprise, les données et leur utilisation transforment radicalement les métiers et la fonction ressources humaines n’est pas épargné. L’adaptation à ces transformations est un enjeu de compétitivité fort pour la stratégie RH.
De quoi parle-t-on concrètement ?
L’activité d’un service Ressources Humaines tel qu’il est le plus répandu dans les PME/ETI produit une quantité de données relativement faible et leur usage reste limité. Fondamentalement, les informations issues de la gestion de la paie sont transmises au service comptabilité pour enregistrement. La plupart des services RH sont plus dotés et disposent de bases de données exploitables sur la gestion du temps de travail, les fiches de poste, la formation, les référentiels de compétences et les mesures de la performance. Ces données seront utilisées pour générer reporting et tableaux de bord sociaux ad hoc produits sur Excel, faute de mieux.
De plus en plus de grands groupes et ETI investissent afin d’utiliser de manière plus approfondie les données dont elles disposent. Les raisons peuvent être nombreuses et ne s’excluent pas : adopter de nouvelles méthodes de travail, remplacer l’homme par la machine et parfois simplement surfer sur la tendance de la modernité des pratiques.
L’usage le plus poussé aujourd’hui relève de la collecte de données massives ou big data. Il est difficile d’en donner une définition unanime, néanmoins le Gartner souligne que le big data transforme la gestion des données qui sont désormais plus volumineuses, plus véloces et plus variées. Ainsi, le tracking de la navigation sur le navigateur internet relève de ces nouveaux usages. Ils peuvent permettre de prévoir la démission à venir en constatant la visite de job boards et pousser une instruction au manager de recevoir le salarié en question. Ces pratiques ne sont, bien entendu, pas compatibles avec la réglementation européenne sur la protection des données mais se rencontrent marginalement aux Etats-Unis.
Peu importe la raison, ces outils doivent permettre de gagner en connaissance de son corps social et participer directement à l’activité en outillant la profession. Néanmoins, nous sommes loin d’un usage aussi poussé que les outils le permettraient.
De la difficulté à exploiter ces données, deux principales raisons
Les RH, parents pauvres de l’innovation
Une première est liée aux ressources disponibles. En effet, les services RH manquent de la compétence technique leur permettant d’utiliser à plein potentiel les données disponibles. Il est nécessaire de maîtriser à la fois des langages informatiques tels que le Python ou R, mais aussi d’être un statisticien aguerri. Cette compétence de Data Science reste principalement destinée à l’activité de l’entreprise car elle représente un investissement important.
En outre, il est important d’avoir un audit des données qu’apportent les différents SIRH de l’organisation. Ceci permet de connaître les données dont on dispose et s’assurer le leur bonne utilisation. Il existe 4 critères fondamentaux pour assurer l’usage des données dans des conditions optimales de sécurité :
- La confidentialité consiste à s’assurer que seules les personnes autorisées aient accès aux données ;
- La traçabilité permet de suivre les mouvements de l’information ;
- La disponibilité assure une accessibilité de l’information à la personne, au lieu et au temps prévu ;
- L’intégrité garantit que l’information ne sera modifiée que par des personnes autorisées selon un procédé défini.
Ajoutons, dans la démarche de notre action, la qualité des données qui assure à l’utilisateur une information exploitable. Cette dernière démarche fait souvent lacune dans les premières générations de SIRH. Ces derniers disposent d’un module de construction de rapports peu intuitif et lisible ce qui complique le travail. Il faudra désormais privilégier l’accès à des Interfaces de Programmation (souvent appelée API). Elles apportent un accès dynamique, ouvert et adapté pour les problématiques de gestion des données RH. Il devient possible d’avoir accès à un data lake via des requêtes et de faire des imports de données. C’est un vecteur important d’automatisation de la fonction Ressources Humaines.
Confidentialité et éthique
La seconde raison à un usage raisonnable des données RH, la plus louable, est une contrainte éthique. En effet, un service Ressources Humaines dispose d’un nombre important d’informations personnelles, permettant d’identifier l’individu directement ou indirectement. Il est donc tout naturel de les utiliser avec prudence. Le Règlement Général sur la Protection des Données2 nous fournit une démarche d’audit pertinente sur les données disponible, leur usage et le droit des personnes concernées.
Serait-il bon de disposer de l’ensemble des données produites par un salarié et d’effectuer toutes les opérations prédictives possibles (cf notre exemple du futur démissionnaire) ? On voit apparaître des tiraillements entre les tenants d’un usage libre des données et les prudents qui y renonceront. Néanmoins, une troisième voie peut se tracer.
Pour cela, les RH doivent s’emparer du sujet et doivent le porter en tant professionnels d’une fonction complexe. En effet, le big data n’est qu’un outil parmi d’autres. Son potentiel est énorme et nous ne voyons qu’une infime partie de l’usage qui pourra en être fait. Comme tout outil, l’intention dans l’usage sera déterminante sur les conséquences pour notre société. Ainsi, les services Ressources Humaines doivent se doter d’une double compétence RH et Big Data afin de disposer à la fois de la capacité technique et du recul nécessaire pour un usage pertinent et positif. Ainsi, Cisco croise un grand nombre de données internes et externes afin d’enrichir son Strategic Workforce Planning3. Ceci permet de faire converger les intérêts de l’entreprises et de ses parties prenantes en menant une veille éclairée. Aujourd’hui, cette compétence peut être internalisée dans des grands groupes, est parfois externalisée dans des ETI/PME, mais n’est la plupart du temps pas existante.
Néanmoins, le service Ressources Humaines restera la fonction relationnelle de l’entreprise. Sa digitalisation doit lui permettre de fiabiliser son information et de gagner en efficience. Ce n’est cependant pas une fin en soi et la création de valeur résidera toujours dans les rôles d’expert administratif, champion des salariés, agent du changement et partenaire stratégique comme le montrait Ulrich.
Ce dernier point est une porte d’entrée intéressante pour une politique de gestion des données. Les données RH étant parmi les plus sensibles de l’entreprise, pourrait-on imaginer un service RH qui croiserait l’ensemble des données de l’entreprise ? Les observations seraient peut-être surprenantes et sans doute lourdes de sens…